ChatGPT, arme de triche aux entretiens : comment l’IA rebat les cartes du recrutement

ChatGPT, arme de triche aux entretiens : comment l’IA rebat les cartes du recrutement

L’actualité : ChatGPT, nouvel outil de triche en entretien d’embauche ?

Le 1er mai 2025 a marqué un tournant dans le monde du recrutement : plusieurs médias français ont révélé que des candidats utilisaient massivement ChatGPT et d’autres IA génératives pour tricher lors d’entretiens d’embauche à distance. Selon Le Figaro, des témoignages de candidats ont confirmé qu’ils s’aidaient de ChatGPT pour obtenir des réponses en temps réel, à l’abri des regards. Le phénomène ne se limite pas à quelques cas isolés : il s’inscrit dans une tendance de fond où l’IA s’impose comme un compagnon invisible pour les entretiens vidéos ou téléphoniques. Des accessoires comme des oreillettes Bluetooth discrètes, couplées à l’utilisation de scripts ou de prompts sur leur écran secondaire, permettent aux candidats de « copiloter » leur prestation en faisant relayer les questions de l’employeur à l’IA, qui fournit ensuite des réponses crédibles.

La médiatisation de faits récents – et la multiplication de solutions ingénieuses pour « automatiser » la triche – soulignent l’ampleur d’un phénomène qui inquiète autant qu’il interroge le système de recrutement. Selon une enquête CNews, les outils d’IA générative ne sont plus réservés aux profils techniques, mais séduisent tous types de candidats, quels que soient le secteur ou le niveau de responsabilité. D’une méthode d’exception, la triche technologique tend à devenir une nouvelle norme dans le recrutement à l’ère de l’IA.

Décryptage : Les techniques d’« augmentation » lors des entretiens grâce à l’IA

Les stratégies de triche à l’aide d’IA lors des entretiens d’embauche se multiplient, se sophistiquent et concernent désormais tous types de profils. Le recours à une oreillette Bluetooth reliée à un assistant vocal pilotant ChatGPT, Claude, Manus ou Grok (par exemple via une application mobile dédiée ou une extension de navigateur discrète) fait florès. Dans certains cas, des collaborateurs complices jouent le rôle d’ »opérateurs IA » depuis un autre lieu, dialoguant en temps réel via messagerie. Les candidats les mieux préparés utilisent également des prompts sur-mesure – écrits ou oraux – pour orienter les réponses de l’IA, leur permettant d’adapter leur discours à la culture de l’entreprise ou au poste visé.

Parmi les outils du moment, on retrouve non seulement ChatGPT et Claude (Anthropic), mais aussi Google Gemini, Manus, Perplexity AI, et le chatbot Mistral (Mistral Le Chat). Les profils utilisant ces techniques varient : jeunes diplômés, cadres expérimentés, candidats dans les techs mais aussi dans le commerce ou l’administratif. Certains vont jusqu’à se former à l’art du prompt engineering pour affiner la pertinence des suggestions IA lors d’un entretien en direct (plus de détails).

L’IA peut aussi servir à simuler la « personnalité idéale » – calibrée sur le profil LinkedIn du recruteur ou la fiche de poste – grâce à des modèles comme Claude, GPT-4 ou LLaMA, capables de mimer le langage ou le savoir-être attendu. Enfin, de nouveaux scripts permettent de reconnaître à la volée le type de question posée (technique, comportementale…), d’en extraire les mots-clés et de formuler la réponse optimale en quelques secondes. La frontière entre aide ponctuelle et « copilote » conversationnel totalement intégré se brouille de plus en plus, rendant la détection difficile.

Entre suspicion et adaptation : comment les recruteurs réagissent-ils ?

Face à la montée des pratiques de triche via IA, la méfiance s’installe parmi les recruteurs : 80% d’entre eux perçoivent désormais négativement l’utilisation d’intelligences artificielles en entretien, selon une enquête CV Genius. Les professionnels RH adaptent leurs méthodes : certains privilégient désormais les entretiens en présentiel ou à caméra multiple, d’autres recours à des questions imprévisibles ou aux scénarios réels difficilement « traduits » par l’IA. La prolifération d’outils spécifiques de lutte contre la fraude – détection de fenêtres actives, IA de scoring comportemental, analyse linguistique pour repérer les répétitions ou incohérences – s’intensifie.

Témoignages à l’appui, comme celui d’un recruteur sur Tool4Staffing, témoignent du sentiment de « guerre des tranchées » : « On pose des questions sur l’éthique ou sur de récentes affaires, pour obliger le candidat à sortir de son script ». D’autres exploitent aussi des IA côté recruteur : scoring automatique d’authenticité, analyse de micro-expressions, voire avatars d’IA simulant des entretiens pour mieux identifier les dissonances dans les réponses. Néanmoins, les limites de ces stratégies émergent : le risque de faux positifs est réel, la transparence sur les méthodes utilisées reste souvent faible, suscitant des controverses sur une surveillance perçue comme intrusive. La relation de confiance, déjà fragilisée, devient alors un enjeu clé du process RH à l’ère de l’IA (sigma-rh.com).

Enjeux éthiques et juridiques : jusqu’où peut-on aller ?

Le recours massif à l’IA en recrutement pose d’importants défis éthiques et juridiques. Risque de discrimination indirecte (l’IA peut renforcer certains biais, par exemple dans le tri des profils ou la reconnaissance faciale) ; remise en cause de la confiance entre candidats et employeurs ; flou sur la traçabilité des réponses générées : autant de sujets qui mobilisent les législateurs. En Europe, le RGPD applique déjà des principes stricts : traitement loyal, transparent et licite, consentement du candidat, nécessité d’un lien direct entre méthode d’évaluation et poste à pourvoir (source).

Mais en 2025, le nouveau règlement européen IA Act est entré en vigueur (voir Les Echos Solutions). L’IA Act interdit certains usages jugés à haut risque, impose l’obligation de transparence : droit du candidat d’être informé s’il interagit avec une IA, documentation des algorithmes, preuves d’identité renforcées. La France et d’autres États membres accentuent la pression sur la traçabilité des réponses : de plus en plus, les recruteurs doivent garantir que les techniques employées n’aboutissent pas à une discrimination ni ne reposent exclusivement sur la décision automatisée (CNIL, 2025).

La frontière légale reste mouvante : il est légal d’interroger un candidat sur son recours à l’IA, mais pas de l’exclure sur ce seul motif sans analyse contextuelle. Le débat sur la responsabilité – du candidat, de l’employeur ou du fournisseur d’IA – s’anime donc, illustrant la nécessité d’un cadre éthique partagé.

Vers un nouveau paradigme du recrutement à l’ère de l’IA générative

Avec l’essor des IA génératives, le recrutement connaît une mutation profonde : les compétences strictement techniques ou la seule capacité à « bien répondre » ne suffisent plus (Blog RH, 2025). Les véritables atouts deviennent : capacité d’adaptation, discernement critique, créativité, collaboration avec l’IA, et compréhension fine de ses opportunités… comme de ses limites. De plus en plus, les recruteurs cherchent des profils « augmentés » qui savent utiliser l’IA de façon responsable, et intégrer ces outils dans un workflow global où l’éthique et l’humain priment.

Du côté des RH, l’IA ne remplace pas la dimension humaine mais la complète : analyse comportementale, automatisation des tâches répétitives, personnalisation du processus de recrutement, réduction du temps de sourcing. Cela alimente un mouvement de « co-évolution » : professionnels RH, futurs employés, organismes de formation, grandes plateformes (OpenAI, Anthropic, Google DeepMind, Amazon Bedrock, Hugging Face) réinventent ensemble grilles d’évaluation et cursus d’apprentissage. Les métiers de « Prompt Engineer » ou d’analyste de données IA émergent, tandis que l’éducation s’emploie à transmettre des compétences de méta-cognition, d’évaluation critique et de citoyenneté numérique.

Face à la complexification du « jeu du recrutement », la solution ne saurait être la fuite en avant technologique. Il s’agit désormais d’arbitrer entre outils innovants, vigilance éthique, formation continue des deux camps et construction d’une confiance réciproque (Aoria RH).

Conclusion : Pas (encore) de « job GPT », mais une révolution en marche

La montée en puissance de ChatGPT, Claude et autres IA génératives dans le monde du recrutement n’a pas encore accouché d’un « job GPT » – c’est-à-dire un emploi décidé, attribué ou exercé entièrement par une intelligence artificielle. Mais la dynamique est lancée : multiplication des usages, bouleversement des repères traditionnels, montée des enjeux éthiques et réglementaires. Si la défiance gagne, l’heure est surtout à la responsabilité partagée : candidats, recruteurs, développeurs et institutions doivent co-construire un nouveau pacte de confiance.

L’enjeu pour les candidats n’est plus de savoir s’il faut ou non recourir à l’IA, mais d’apprendre à l’utiliser de façon transparente et éclairée, en respectant l’esprit du processus. Aux recruteurs de rénover leurs méthodes sans tomber dans la paranoïa ni l’automatisation aveugle de la surveillance. Aux régulateurs de renforcer la transparence sans freiner l’innovation. Face à la complexité croissante, une seule certitude : la confiance – humaine, mais augmentée – restera la clef d’un recrutement juste et pertinent à l’ère de l’IA.